<< Retour aux articles
Image

Garde à vue : <I>quid</I> de l'extension de la poursuite initiale à de nouveaux faits ?

Pénal - Procédure pénale
20/11/2019
La Cour de cassation s'est penchée sur l’article 65 du Code de procédure pénale encadrant l’audition d’un gardé à vue sur des faits distincts de ceux ayant motivé la mesure. Les juges éclaircissent ce point.
Un groupe de personnes a été contrôlé à l’occasion d’un rassemblement. L’une d’entre elles remet un trousseau de clefs portant des pastilles de couleurs, un jeu de clefs Allen et une clef en croix habituellement utilisée par les pompiers pour l’ouverture de certaines parties communes des immeubles.
 
Placé en rétention pour vérification d’identité, il refuse de se laisser signaliser. Il est alors placé en garde à vue pour refus de se soumettre à des relevés signalétiques et au prélèvement biologique. Les autorités suisses signalent que sa photographie correspond à une autre identité que celle qu’il avait déclaré. Il s’est donc vu notifier l’extension des poursuites au chef d’usurpation d’identité. Déféré, il est mis en examen et placé en détention. 
 
Son conseil dépose une requête en nullité du contrôle d’identité et de la mise en examen. La cour d’appel prononce l’annulation du placement en garde à vue et de la mise en examen pour refus de se prêter aux empreintes digitales et de se soumettre aux opérations de relevés signalétiques mais ordonne l’annulation ou la cancellation des pièces ou actes de procédure.
 
Un pourvoi a été formé par l’intéressé. La Cour de cassation va répondre en deux temps (Cass. crim., 14 nov. 2019, n° 19-83.285, P+B+R+I). Elle rappelle que l’article 65 du Code de procédure pénale, encadrant la notification d’une extension de la poursuite initiale, à la personne gardée à vue, d’un autre chef, « n’a pas pour effet de générer une garde à vue distincte de celle en cours au moment de cette notification ». Et que les articles 174 et 206 du Code de procédure pénale prévoient que « lorsque la chambre de l’instruction annule un acte de la procédure, elle doit également annuler tous les actes de la procédure subséquente qui découlent des actes viciés ».
 
Sur ce point, la chambre de l’instruction avait jugé que l’annulation du procès-verbal d’audition, intitulé « Procès-verbal de notification supplétive de garde à vue » ne pouvait avoir lieu. Le placement en garde à vue était juridiquement possible pour le chef d’usurpation d’identité, infraction n’ayant aucun lien avec le fait de refuser de se laisser signaliser, objet du placement en garde à vue. La Cour de cassation infirme cette interprétation précisant que « cette infraction est apparue notamment par la comparaison entre l’identité que le mis en cause avait déclinée lors du contrôle d’identité et le renseignement fourni par les autorités suisses, de sorte que la notification qui lui a été faite en exécution de la consigne donnée par le procureur de la République de son placement en garde à vue et des droits afférents, le 3 février à 17 heures 28, apparaît régulière ». 
 
Pour les clefs saisies, les juges du second degré avaient estimé que les clefs retrouvées avaient été remises dès le contrôle d’identité, soit avant le placement en garde à vue et qu’ainsi l’annulation du procès-verbal de saisie n’avait pas à avoir lieu. La Cour de cassation censure cette interprétation et affirme qu’elle « est en mesure de s’assurer que les clefs de M. X..., présentées par l’intéressé lors de son interpellation, avaient été conservées dans sa fouille et placées sous scellés dans le cadre de sa garde à vue ». Ainsi, « la chambre de l’instruction qui n’a pas tiré toutes les conséquences de la nullité qu’elle constatait, a méconnu le sens et la portée des texte susvisés ».
 
Par cette décision, les juges apportent une précision à l’article 65 dudit Code, créé par la loi du 27 mai 2014 (L. 27 mai 2014, n° 2014-535, JO 28 mai, art. 4). L’ajout de ces dispositions « répond à une demande des praticiens, en clarifiant les règles applicables, et en évitant un nouveau placement en garde à vue pour les nouveaux faits » précisait le bulletin officiel du ministère de la Justice (BOMJ, 30 mai 2014, n° 2014-05). La Cour de cassation vient confirmer cette vision unitaire : la notification de l’extension de la poursuite initiale à de nouveaux chefs ne peut générer une garde à vue distincte de celle en cours au moment de la notification.  Et la chambre de l’instruction, annulant une mesure de garde à vue, doit également annuler tous les actes de la procédure subséquente découlant des actes viciés.
Source : Actualités du droit